Comme nous avons plus l’expliquer dans un précédant article, ce site est universaliste et compose avec les croyances (ou non croyance) de chacun. Ceci étant dit, il ne s’agit pas non plus de nier les demandes spécifiques qui existent. Personne ne peut juger de la pertinence ou non d’une demande. Il s’agit juste de la comprendre. Waswas, anxiété, psychologue musulman angoisse … Des mots qui reviennent souvent dans les discutions de musulmans francophones souffrant de troubles anxio-dépressifs entremêlés de croyances religieuses relatives au monde l’invisible. Qu’est ce qu’un psychologue musulman? la réponse semble simple à première vue mais dans la réalité des personnes demandeuses, la réponse n’est pas si claire.
Le bon sens voudrait qu’un ” psychologue musulman ” soit un professionnel de la psychologie ayant validé un cursus universitaire exigeant en terme de connaissances théoriques et pratiques. A cela s’ajoutant un confession musulmane ou, au minimum, une origine ou une appartenance culturel liée à l’islam.
Si cela se limitait à ça, cela pourrait ressemblerait à replis communautaire. Une sorte de favoritisme intra-communautaire sans aucune justification. Hormis une affinité plus importante pour quelqu’un perçu comme appartenant à sa communauté.
Très vite, en écoutant ces personnes et ces familles, on se rend à l’évidence que dans cette appellation, ce qui semble importer le plus, ce n’est pas l’appartenance à une culture d’origine. Il s’agit plutôt de la connaissance d’une culture arabo-musulmane au sens large. La connaissance de certains codes et de certains tabous dans lesquels s’inscrit l’histoire des familles, l’histoire des individus et parfois l’histoire et la constitution du trouble psychologique.
Lorsqu’on appartient à la culture majoritaire et dominante dans une société, la question ne se pose pas. On va chez le psychologue sans se poser ce genre de questions. On peut même aller voir un spécialiste issus d’une minorité sans que cela ne pose de problèmes. Les coutumes et les codes culturels sont largement connus et reconnus de tous. Au point où la question ne se pose même pas.
Par contre, lorsqu’on appartient à une minorité culturelle et religieuse, cela est différent. En effet, d’autres paramètres entrent en jeux. Le phénomène est d’autant plus marqué lorsque la minorité culturelle et religieuse se perçoit comme victime de préjugés négatifs et préjudiciables. Les angoisses liées au trouble anxieux accentuant considérablement l’anticipation négative.
Il est aisément facile de comprendre que les personnes veuillent s’assurer que le psychologue consulté comprend leur culture d’appartenance. Ce n’est pas un comportement de replis ou du communautarisme. Elles n’ont juste pas forcément envie de prendre du temps pour expliquer des éléments banals de leur culture et de leur religion. La priorité étant à ce moment ailleurs.
Parfois la peur des préjugés largement rependus dans la société française est une préoccupation majeure dans la recherche d’aide. Dans ce cas, les familles craignent des raccourcis hâtifs découlant de préjugés associés à leur religion et leur culture.
Pour prendre un exemple, je citerais le cas de cet homme souffrant d’un trouble anxieux. Il débordait d’angoisses. Plus précisément, il était atteint d’un TOC (trouble obsessionnel compulsif). Il a refusait de consulter un psychologue quelconque. Pourtant les TOCs se soignent assez bien en thérapie cognitive et comportementale mais il refusait de parler de ses compulsions à n’importe qui. Ceci à cause du fait que ses compulsions étaient liées à des rituels islamiques. Je n’entrerai pas dans les détails car les situations pourraient porter à rire tellement elles semblent surréalistes.
Quoi qu’il en soit, cette personne ne voulait pas subir un jugement simpliste et rapide qui imputerait la causalité entière à la pratique d’une religion rigide et emplie d’interdits. Ces derniers qui généreraient de troubles psychologiques handicapants. Bien qu’il n’était pas fermé à l’auto-critique quant à sa compréhension de la religion, il ne voulait pas subir cette éventuelle épreuve. Il l’anticipé à un point qu’il refusait le soin jusqu’à trouver un psychothérapeute pour lequel il avait la certitude d’échapper à cette éventualité…
Parfois fois c’est la peur de donner une mauvaise image de leur culture et de leur religion auprès d’un professionnel extérieur. Une image qu’on peut estimer déjà trop entachée. Il ne faudrait pas donner son propre exemple comme argument négatif contre sa communauté d’appartenance. Dans ce cas de figure, il n’y a pas forcément une anticipation identique à celle précédemment citée. Puisque la personne voudrait ne pas dévoiler des choses qui pourraient donner une mauvaise image de l’islam. Ici thérapeute est perçu comme neutre n’ayant pas forcément des préjugés négatifs alors il ne faudrait pas le faire basculer dans le côté obscur…
Je pourrais citer l’exemple de cette jeune femme qui souffrait d’un trouble panique avec agoraphobie. De façon générale dans cette pathologie la personne se retrouve dans certaines situations envahie d’angoisses d’une intensité inimaginable. Cette dame a tardé à consulter un psychothérapeute à cause du fait qu’elle ne voulait pas donner l’image d’une personne terrifiée par l’éventualité de la survenue d’une mort imminente. Selon elle, une musulmane ne devrait pas avoir ce genre de peur. Car la mort n’est qu’un passage obligé vers une vie meilleure. Montrer une peur excessive de la mort à un non musulman c’est donner une mauvaise image et trahir une communauté.
Certes, un psychologue, musulman ou non, devrait être capable de soigner n’importe qui. Sa formation théorique et son empathie développée devrait lui permettre de comprendre les comportements et les évènements dans n’importe quelle culture. La formation initiale du psychologue ne peut pas donner une connaissance et une compréhension de toutes les cultures du monde. Quand bien même la formation serait spécialisée dans l’interculturalité, cela est impossible. Il existe tellement de cultures et de déclinaisons d’une même culture…
Par contre, une connaissance riche de la diversité des cultures et religions, de concepts plus généraux et de grands principes supra-culturels devraient faciliter l’interprétation des évènements dans un contexte culturel et religieux donné.
Malheureusement, il existe des freins à cet idéal d’empathie et de compréhension. Le psychothérapeute et psychologue est un être humain. Il devraient certes avoir plus de discernement quant à certains phénomènes psycho-sociaux. Mais il y a des fainéantises naturelles qui peuvent s’installer avec le temps et entrainer dans des grilles d’analyses grossières et indignes du niveau intellectuel attendu.
Combien de psychologues, de psychiatres ou de philosophes brillants peuvent développer des réflexions d’une grande finesse dans leur domaine. Par contre basculer dans des raisonnements binaires, tendancieux et réducteurs lorsque le sujets est l’islam et les musulmans. Le tout avec une nervosité et une hystérie inexpliquées.
Ce genre de constatations a tendance à donner raison à ces personnes et ces familles qui restreignent le choix avec un critère de confession.
Pour beaucoup l’attente vis à vis du ” psychologue musulman ” ne se limite pas à la connaissance des cultures musulmanes. Ils cherchent un psychologue qui puise dans la culture musulmane. En quelque sorte, un psychologue qui soigne en puisant dans les sources, réel ou supposée, de l’islam. Pour beaucoup, cela est tellement important qu’ils sont finalement peu regardant sur le réel niveau de formation en psychologie du professionnel.
Quand bien même ils seraient dépassés par le trouble de leur proche. Quand bien même ils auraient multiplié les consultations chez des “imams exorcistes” de France, d’Europe et du Maghreb pendant des années. Ils peuvent arriver chez un psychologue avec des idées toutes faites sur le diagnostic lié à des forces occultes et sur la façon de traiter le problème de façon islamique.
il y a certainement des bénéfices secondaires du symptôme au sein de la famille et une manifestation du subconscient qui viendrait faire un auto-sabotage. Également, parfois, un évitement quasiment phobique de l’idée que la source du problème soit purement psychologique. Aussi terrifiant que l’idée que la cause soit, au moins partiellement, liée à ses choix, ses interprétations, ses croyances… Certaines croyances sur l’origine occulte des troubles psychologiques confèrent le “confort” illusoire et éphémère de la déresponsabilisation.
Rentrer frontalement dans la remise en question de ces certitudes serait synonyme de violente agression contre un leur système interprétatif. Un système culturel, plus ou moins fondé, qui s’est rigidifié avec les années. Croire en l’idée naïve qu’il suffit de déconstruire avec des arguments ou un débat c’est oublier que ce système interprétatif a eu et a encore une fonction quasi vitale dans l’équilibre (certes boiteux) de la famille.
Suite à suivre
De mon point de vue, il faut accueillir la demande positivement, bien avant d’en comprendre la justification.